J’ai longtemps associé l’odeur du benzaldéhyde à celle de la colle blanche que j’utilisais à l’école. Puis avec le temps, je l’ai associée à l’odeur de l’amande.
Tout comme la description d’une odeur peut faire débat, la définition même de la nuisance olfactive reste sujette à discussion.
L’odeur est une interprétation subjective faite par notre cerveau suite à la stimulation de notre système olfactif par une molécule ou, plus généralement, par un mélange de molécules odorantes.
L’aspect agréable ou désagréable de l’odeur (caractère hédonique) n’est finalement pas l’élément primordial pour définir une nuisance olfactive. Toute odeur, si agréable soit-elle, peut devenir une nuisance si elle est perçue au-delà d’une certaine fréquence, hors de son contexte et au-delà d’un certain seuil.
Mi-mars, j’ai été convié à présenter mon expertise à ce sujet lors du colloque annuel du CNEAF des Hauts de France qui regroupait magistrats, experts judiciaires et avocats. Nous y avons abordé la thématique de la nuisance olfactive selon deux approches : celle du Code Civil et celle liée à la réglementation des établissements classés pour la protection de l’environnement.
Le Code Civil aborde la nuisance olfactive via la notion de « trouble anormal de voisinage ». La difficulté dans ce cas réside dans l’évaluation du trouble : comment le mesurer, définir sa fréquence et la gêne occasionnée.
Dans le cadre de l’exploitation d’un établissement classé, la réglementation fixe généralement une limite d’exposition pour les riverains en termes de niveau de concentration d’odeur (en unité d’odeur Européenne / m³) et de fréquence d’exposition (percentile).
Cette approche a l’avantage d’être basée sur une mesure normalisée (norme EN 13725) qui définit l’unité d’odeur (uoE/m³). Cette méthode scientifique permet d’objectiver et de mesurer les odeurs sur base d’un échantillon représentatif de la population. Une fois les émissions d’odeur quantifiées, l’impact olfactif peut être modélisé dans l’espace et dans le temps.
Pour autant, cette approche réglementaire ne garantit pas l’absence d’odeur pour le voisinage. Elle propose de limiter la durée et le degré d’exposition des riverains aux odeurs à un niveau jugé acceptable.
Bien qu’elle ne soit pas basée sur des méthodologies de mesure définies et objectives, l’approche du Code Civil permet quant à elle de prendre en compte les nombreux cas où aucune réglementation spécifique aux odeurs n’est disponible. De plus, cette approche juridique permet la prise ne compte de l’antériorité des émissions d’odeurs : le meilleur exemple de cette situation est celui des néo-ruraux incommodés par les odeurs de leur nouveau voisinage (activités agricoles).
Finalement, la meilleure réponse à donner pour définir la nuisance olfactive est sûrement au croisement de ces deux approches. Nous avons besoin de méthodes scientifiques éprouvées et objectives pour quantifier la nuisance et en évaluer l’impact, mais il faut aussi tenir compte de l’antériorité de émissions d’odeurs et des contraintes locales spécifiques (niveau de sensibilité du public, proximité, acceptation…).
Une gestion efficace des émissions d’odeurs ne visera pas le « zéro odeur », mais cherchera à intégrer les activités économiques dans leur environnement tout en limitant les nuisances olfactives à un niveau acceptable.